mardi 5 avril 2016

Ste-Adèle, PQ

Je ne vais pas partir.

C’est trop tard.

Vais suivre la vague.

Lui aussi il est pogné dans la mer de toute manière.

Il est tombé à l’eau et ça ne lui tentait pas plus qu’à moi.

Reste à savoir si nous savons bien nager.

(…)

Il a commencé par me redire qu’il était content d’avoir réussi à ne pas tomber amoureux de moi.

Il m’avait installé une table pour que je puisse travailler, devant la fenêtre, avec la vue sur les collines du pays d’en haut.

M’avait servi un verre de vin.

C’était le dimanche en fin de journée.

J’étais arrivée samedi après-midi que nous avions passé avec ses chums sur une montagne et ensuite juste nous deux, sushis devant le feu et gin tonic.

Et la nuit qui avait suivie.

Blanche ou tout comme, la norme de toutes nos nuits ensemble.

Alors,

Il était venu s’installer à côté de moi pour monter une roue de vélo, commande spéciale pour une athlète para-olympique qui s’en va avec ça à Rio.

On écoutait de la musique.

Jean-Pierre Ferland, je crois bien.

Je ne me souviens plus pourquoi il avait sorti ça.

Cette phrase.

Pour en parler peut-être.

J’ai souri, dubitative un peu.

« Vraiment? t’es pas amoureux de moi? Honnêtement, je ne sais pas moi si ça me tente que tu ne sois pas un peu amoureux de moi. Je ne crois pas être capable d’être dans ce genre de relation, passer beaucoup de temps avec un gars qui ne m'aime pas, je sais que ça ne m’ira pas. »

Il a continué de gosser avec ses mains.

Puis.

On s’est mis à jaser de ça.

Du sentiment amoureux.

En tournant un peu autour d’un quelconque centre qu’on avait l’air d’éviter.

Et.

J’ai fini par lui lire mon dernier texte.

Sur cette envie de m’enfuir.

Il a respiré un grand coup.

M’a pris le visage entre ses mains.

« Je t’aime toi puis, j’ai juste pas envie d’aimer tout seul. J’ai peur aussi. Ça ne me tentait pas de tomber amoureux mais c’est de même, c’est trop tard.
Puis oui, enfin, je l’ai dit. »

Ça tournait bizarre mais, 

C’était un cristi de beau moment.

(…)

On a décidé de juste se dire je t’aime quand on est nu dans un lit ou au chalet.
Parce que, c'est bien connu, ce qui se passe au chalet, reste au chalet.

Parce que ça nous fait rire et qu’on le sait que c’est niaiseux.
Puis, il est le genre à m'étendre dans un lit, n'importe quand, n'importe où, juste pour pouvoir me dire ainsi "légitimement" qu'il m'aime.

Je le sais.
Il le sait.

Mais, c’est moins épeurant comme ça.

Ça fait moins de nourriture pour le hamster dans ma tête et dans la sienne (même si un hamster de gars, c’est pas mal moins sur le speed qu’un hamster de fille).

On a décidé que c’était légitime d’aimer une personne qui vient de nous faire jouir solide. 
Que ça ne prêtait pas trop à conséquence. 
Que ce n’était pas trop porteur de tout et de rien. 
Que finalement ça n’avait pas trop de sens, enfin moins, et que c’était plus cute qu’autre chose.

C'est de la sémantique.

Et.

C’est niaiseux.

On le sait.

On le sait aussi que ce n’est pas la vraie vie qu’on est en train de vivre.

Que c’est juste le gravy.

Le beau, le facile.

(…)

On se demande bien pourquoi on est si bien ensemble.

Malgré.

Nos différences fondamentales.

Je ne ressemble pas aux autres filles de sa vie.

Il ne ressemble à rien de ce que je connais.

Peut-être que c’est à cause, justement, de ces différences qu’on est bien.

Car ainsi il n’y a aucune question existentielle à se poser.

Mais, je le sais que ça va nous rattraper.
Indéniablement.

C'est trop n'importe quoi tout ça.

Z'avez même pas idée.

(…)

Ceci dit.

Et ce n'est pas rien.

C’est le gars le plus calineux que j’ai croisé dans ma vie.

C’est un chat que j’entends ronronner sans arrêt.

Pour ça qu’on ne dort pas.

On passe notre temps à nous flatter.

Dur de décrocher.

Et.

C'est un amant redoutable aussi.

Très.

Redoutable.

Ceci expliquant peut-être cela.

(...)

On a décidé qu’on serait seul mais, ensemble.

Qu’il ne va m’appeler son amour que quand personne ne va entendre.

Sinon, des plans pour qu’on entre dans un concept.

Et que ça fuck la simplicité de l’affaire.

On refuse à l’avance les soupers de famille, la présentation aux enfants ou autres gugusseries.

On veut se garder libre.

À deux.

J’espère qu’on le pourra réellement.

Ne jamais être un couple.

(…)

Je veux qu’il continu de faire passer ses chums avant moi.

Pis leurs niaiseries.

Qu’il ne change pas pour se mettre à vouloir être "mon genre".

Je n’ai pas besoin qu’il lise ou qu’il me jase de la dernière pièce de théâtre.

Je n’ai pas besoin qu’il me propose davantage que des grill cheese ou plus que d’aller chercher des sushis pour le souper.

Je n'ai pas besoin qu'il décide de ne plus aménager son camion pour y vivre dedans cet été.

Au contraire.

Je le veux tel quel car c’est uniquement ainsi que je peux aussi l’être.

Telle quelle.
Moi.

Je ne le juge pas.
Il ne me juge pas.

Au lit c’est encore plus parlant.

Me suis rarement sentie aussi peu jugée.
Dans mes fantasmes et mes envies.
Dans mes plis et mes creux.
Dans mes doutes et mes certitudes.

Me sentir autant aimé pour ce que je suis.
Brut.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire