mardi 30 juin 2015

Une lettre cachée


Des mots cachés laissés entre les pages d’un livre.

Les tiens.

Une lettre, à l’ancienne, sur un papier ligné.

J’ai souri, émue.

Tu as choisi, par hasard ou non, L’éloge des femmes mures qui trainait dans ma bibliothèque.

Page 99, chapitre 7, Du libertinage et de la solitude.

J’ai souri, amusée.

J’aime les liens et les clins d’œil.

Et j’ai lu.

Tes mots, à un ange, comme un cadeau.

Et j’ai pleuré, doucement.

C’était beau, c’était doux, ça faisait du bien.

(..)

Cette lettre, je vais la laisser entre les pages de ce livre.

J’aime imaginer qu’un jour, quelqu’un tombera dessus en tournant les pages.

Cette personne prendra peut-être le temps de lire cette feuille jaunie par le temps.

Regardera la date que tu as pris le temps d’écrire.

22 juin 2015.

Ce lecteur lira assurément tes mots et se prêtera peut-être au jeu d’imaginer l’histoire en arrière.

L’histoire de cette femme que l’on ne nomme pas et de ce Sébastien, un français qui l’embrasse de loin.

L'histoire brève de ce croisement, un peu étrange, d'orbites, le temps d’une belle aventure.

Il fera peut-être le lien avec le titre du roman, ou peut-être pas. 

Il sentira par contre, sans aucun doute, l’émotion derrière les mots, la tendresse et la beauté de la rencontre.

Il se demandera aussi, je le sais, si cet homme et cette femme dont les voyages se séparaient à ce moment-là, se sont retrouvés quelque part. 

Il sera peut-être curieux et cherchera peut-être d’autres lettres, d’autres mots, qui lui raconteront la suite.

En refermant les pages du livre, il aura lu deux histoires.

Et il rêvera.

lundi 29 juin 2015

T'en souviendras-tu?


De cette première rencontre dans un bar rue St-Denis? Il neigeait doucement sur Montréal et je t’ai donné un linge pour que tu puisses essuyer tes lunettes. Je riais d'être là, en tremblant, un peu. Tout m’amusait tellement et m’effrayait tout autant. 

Le cœur dans l’eau, j’avais terriblement besoin d’une belle histoire sur laquelle me ramasser les miettes. 

Te souviendras-tu que je me suis penchée pour t’embrasser, que tes mains effleuraient les miennes, que tu as doucement écarté, pour la première des nombreuses fois, cette mèche de mes cheveux qui me tombait devant les yeux?

Tu as senti mon cou, tu as eu ce sourire dans tes yeux, tu as recueilli mes craintes et, dans un souffle, tu m’as apaisé. Tu dégageais de ce calme qui m’a tant séduite en me transmettant cette certitude tranquille que tout allait bien aller et ce, peu importe ce tout. 

Un phare dans la tempête pour éviter un éventuel naufrage.
  
Et, moi qui ne voulait plus croire personne, j’ai eu confiance.

Te souviendras-tu de ces multiples nuits dans la chambre de ton appartement? Ces nuits à se caresser le corps et à s’effleurer l’âme? Ces nuits où tu as toujours tenu implicitement à ce que je reste jusqu’au matin et où tu as toujours veillé à garder tes mains en mouvement sur mon corps. Ballets constants de tes doigts pianotant ma peau et de ta bouche m’embrassant dans ce demi-sommeil propre aux nuits à deux.
Et, tes yeux qui semblaient toujours contents de s’ouvrir sur les miens.
Te souviendras-tu de ces soirées sur ton balcon à regarder vivre la rue et à observer le temps mouvoir les gens? Ce balcon qui nous a vu et entendu jouir, ensemble, lors de cette dernière fois où nous y étions. 

Assouvissement d’un vieux fantasme.
Les voisins s’en souviendront sans doute…

Te souviendras-tu de cette soirée où tu m’as rendu ton oncle si vivant que nous l’avons pleuré ensemble? Sais-tu qu’il sera maintenant et éternellement dans mes pensées à chaque fois que je boirais un ti-punch? Sais-tu alors que je lèverais assurément et délicatement mon verre plus près des étoiles? Sourire au coin des lèvres, j’aurais une pensée vers lui et, naturellement, un peu vers toi aussi. 

Le sais-tu?

Te souviendras-tu de cette fin de semaine au chalet? Des lumières des chandelles dans la chambre, de cette odeur d’huile sur nos peaux et de la douche en bas qui arrosait si bien nos corps enlacés?   
Te souviens-tu d’avoir si longtemps parlé de toi, de moi, de nous, bien emmitouflés face au lac? 

Nous nous construisions une relation particulière, doucement, sans rien forcer et sans trop même le savoir.

Te souviendras-tu de cette soirée à manger de la crème glacée, nus, sur cet autre balcon? Nous venions de faire l’amour debout, face à face, dans la cuisine et la douceur de la nuit refroidissait nos corps. Ce n’était pas de la glace à la vanille et ça me faisait tellement rire que la vanille soit ta saveur préférée.

Te souviendras-tu que toutes nos nuits étaient belles? Que nos moments étaient toujours d’une riche intensité? Que c’était si simple et naturel de se retrouver, de se parler? 
Te souviendras-tu qu’il n’y avait pas de limites aux possibles, pas de freins à nos envies?
Te souviendras-tu que que nous avons fait l'amour tant de fois sans que cela ne soit jamais ordinaire?
Te souviendras-tu de l’odeur de l’huile, du gout de ton sperme dans ma bouche, de la sensation de mes doigts te caressant et te massant la nuque, les pieds, les fesses? 
Te souviendras-tu de ces bains pris ensemble, du bruit de l’eau en vague sur nos corps?
Te souviendras-tu du gout des tartelettes aux œufs (et pas des œufs aux tartelettes), du Coureur des bois sur la langue, des pizzas au thym, des cigarettes pas de tabac?
Te souviendras-tu de la saveur du riz collé et de la sangria du Club espagnol?
Te souviendras-tu de nos rires au Lion d'or?
Te souviendras-tu que tu me dois encore une blague vraiment drôle?
Te souviendras-tu de cette journée au lac des Castors et de ces après-midi étendus sur des couvertures dans un quelconque parc?

Moi, je m’en souviendrai.


(…)

Par contre.

Je sais que tu te souviendras de nos nuits avec tes amis car elles furent uniques. 

Oh! comme je m'en souviens bien.

J’espère tellement que ces souvenirs berceront longtemps mes fantasmes et accompagneront régulièrement mes nuits solitaires. Sensation chaude dans le ventre quand j’y repense. Je suis une fille chanceuse dans la vie et je sais que j’ai reçu, à ces moments-là, des beaux cadeaux bien joliment enveloppés.

Je sais que le vieux Québec aura, pour toi, la douceur de ces longues marches entourées de ton ami, la main dans la mienne, bras dessus, bras dessous dans ce merveilleux tourbillon de la vie.

Je sais que tu te souviendras également et intensément de ce road-trip rapide en Gaspésie. 

La nature, la mer, le bruit des vagues, le soleil qui se couche, la brume qui se lève, les nuits chaudes sous la tente, les matins frais sur le bord du fleuve, le fromage qui fait kouik-kouik dans la bouche, les brulots qui te déforment les oreilles, cette furtive baleine venue nous saluer près des rochers et le dos blancs des bélugas.

Le Québec à son meilleur, sauvage, libre et authentique.

Je me souviendrai de tes yeux dans le rétroviseur sur le retour d’Ottawa, de ce clin d’œil complice qui m’enveloppait, de cette magnifique lumière de fin de jour sur le traversier, et de toi qui m’appelait ton ange. 

Ça me fait encore sourire d'ailleurs.

Et nos discussions sur tout, sur rien. 

Nos mots, nos silences.

Nos yeux comme des photos.
Je sais que tu comprends ce que je veux dire.

Et cette dernière fois, inachevée.
Avec cette idée de finir, peut-être, un jour, à Paris ou ailleurs.

Et, cette furtive et fugace brillance dans nos regards lors de notre dernier baiser.

Nous refusions d’être tristes.
Ce n’était pas triste.
C’était beau.

(…)

Je suis ce que j’ai toujours voulu être pour toi, un souvenir de voyage.

Une expérience.

Une pierre de plus sur le sentier de ta vie.

Bonne route chéri et...merci.