Nous avions déjà décidé, avant
même l'arrivée de l'ami, de profiter de sa présence pour aller passer une fin de
semaine à Québec, tous les trois.
Il n'y avait encore jamais été, ma visite
dans cette ville remontait à presque deux ans et advienne que pourra, rien ne
pouvait de toute manière mal aller.
Nous irions en copains, en amants ou en
compagnons de voyage…le statut n'étant pas bien grave puisque le but était
essentiellement de passer des bons moments sans aucune pression d'aboutir à
quelque chose de précis.
Mais, prudents ou curieux ou
impatients, nous avons tout de même organisé un souper en milieu de semaine,
question de se flairer un peu, de se sentir les particules, de se construire un
désir…ou pas.
(…)
Un appartement d'une copine libre
pour trois semaines et qui m'a offert sa clef en m'invitant gentiment à y
passer des bons moments.
C'est un appartement chaleureux,
simple, épuré avec des lumières qui tamisent les pièces, du bois qui réchauffe,
du blanc reposant et une ambiance qui invite à la détente.
C'est un appartement
dans lequel je me sens bien…c'est en fait, celui de l'ex de mon ex.
Je sais, nous sommes des êtres étranges.
Voilà pour le décor.
Une occasion surtout de faire à souper,
de prendre l'apéro, de faire la vaisselle ensemble, une occasion de recevoir.
Dans cette relation particulière
où je ne l'inviterais jamais chez moi pouvoir recevoir, quelque part, représentait
beaucoup.
Vraiment.
J'étais contente de le faire.
Beaucoup.
Prendre soin. Cuisiner. Servir à
boire. Créer une ambiance autour d'une table. Sentir que je contrôle
l'environnement. Je me sens tellement amputée de ne pas pouvoir le faire chez moi.
Des ailes coupées.
Je voulais que cela soit simple
et je refusais viscéralement d'avoir l'impression de passer une entrevue.
C'était texté d'avance.
Mieux préparé que la dernière fois, j'avais cependant vu
plusieurs photos de l'ami et il me l'avait un peu présenté. C'était spontanément
plus mon genre que le premier et j'avais confiance que la soirée serait
agréable en soi.
De toute manière, le but n'était pas de passer la nuit
ensemble…ça c'était éventuellement le but que nous réservions à notre escapade québécoise.
(…)
En ouvrant la porte, le premier
plaisir a été de nous revoir, lui et moi.
Se ressentir après la fois qui avait failli être
la dernière.
Le serrer fort, se faire serrer fort, humer son cou, le sentir
heureux d'être là.
Très.
Et tous ces mots silencieux que murmuraient nos
regards.
Apéro sur le balcon.
Souper à
l'intérieur.
Ami souriant, avenant et joueur.
Ami chez qui je sentais très
fortement cette envie de me séduire.
Cette envie que je le trouve à
mon gout, qu'il me plaise.
Se frôler en faisant la
vaisselle.
Sourire.
Finir par s'embrasser,
naturellement.
Sans presse. Nous étions dans le
jeu.
Celui magnifique de la séduction.
"Préfères-tu vraiment attendre Québec?"
C'est une vraie question qu'il
m'a posé.
Je savais que la réponse
m'appartenait entièrement et que ce serait respecté quoi qu'elle soit.
L'expérience m'a appris que, des
fois, en voulant attendre pour que ce soit mieux, ce ne l'était pas
nécessairement plus. Qu'il faut le plus souvent suivre le courant et respecter
les promesses des ambiances.
Le feeling, l'envie, tout était là…pourquoi ne
pas se laisser couler simplement?
Tacitement, personne ne voulait vraiment attendre.
Il s'est alors levé pour aller
porter les chandelles dans la chambre.
Le décor était placé et nous y
étions au centre.
(..)
J'apprécie que toutes les soirées
que nous avons passé à faire l'amour furent suivies de nuit à se lover l'un contre
l'autre, l'un contre les autres.
Des nuits qui voient l'aube se lever sur les corps, d'œil qui s'ouvre
sur un visage qui s'éveille, de bons matins chuchotés dans une oreille endormie,
d'étirements de chat qui se délie les membres...
Matin lucide sur une nuit trop
active pour en garder un souvenir précis. Un peu flou de suivre le schéma
narratif de trois corps qui se caressent.
Je me souviens du gout du rhum
dans ma bouche.
Je me souviens de certains mots
qui se sont dit.
Je me souviens de l'énergie,
différente de la dernière fois.
Des rires toujours essentiels à une nuit complice.
De sa présence. Confiante, solide,
rassurante. Jamais envahissante, jamais trop, jamais intrusive.
Un phare, il est.
Je me souviens que c'était
valorisant, que c'était du plaisir apparent pour tous. Sans demi-mesure, c'était
simple.
(...)
Puis on s'est préparé pour aller
travailler.
J'ai fait son lunch, naturellement.
On s'est
collé juste nous deux dans la salle de bain.
On s'est embrassé tous les trois
et j'ai refermé la porte de l'appartement.
Et ce texto qui suivra.
"Belle journée, après une
bien belle rencontre. J'ai apprécié énormément ce moment. Et surtout de te
revoir, te sentir à nouveau, pas tous les sens. Prendre soin de toi. Dormir
très près de toi. Il n'y a pas de mots pour tout décrire. Cela augure de belles
choses pour Québec."