jeudi 25 février 2016

Cette nuit, ce souvenir...

C'est dans ce taxi vert et jaune  que nous avions embarqués, toi, moi, et nos deux filles. 

Pas les nôtres naturellement mais la tienne et la mienne. 

Les enfants d'une autre vie, celle d'avant le nous.

Delhi. 

La chaleur et les odeurs. 

Le chaos. 

La fourmilière humaine. 

Taxi ouvert sur la rue, le turban et la barbe du chauffeur mais, surtout, son regard, rieur, dans ce rétroviseur qui ne tenait plus qu'à un fil. 

Slalom entre les vaches, les trous, les gravats, les autres voitures, les bicyclettes. Nous venions d'arriver et tout nous émerveillait dans cet agressant contraste que nous étions venus chercher si loin.

Et les sons.

Klaxons, surtout, comme une assurance vie perpétuelle contre cette mort qui hante tous les recoins, toutes les intersections.

Je riais.

De cette tornade humaine, d'être enfin là dans le fouillis où mes rêves m'avaient menée.

(...)

Et ta main, sur la mienne, qui s'est délicatement posée.

Chaude, douce, enveloppante.

Surprise, un peu, j'ai croisé tes yeux.

Et,

J'y ai vu ce désir.

Ce désir de moi.
Ce désir du nous.

Surtout.

Du nous. 

Ce désir.

Qui revenait jusqu'ici te hanter.

J'ai alors souri.
Comme souvent. 
Comme toujours.

J'ai serré ta main.
À mon tour.

Je savais que nous referions l'amour. 

mardi 23 février 2016

Décrocher



Décrocher.

Prendre une pause.

Mettre les choses à off.

(...)

J’ai retiré ma fiche du site de dating.

Soulagement immédiat que j’ai ressenti.

Profondément.

C’est dur le dating à la mode 2.0

C’est des conversations qui tombent, des rendez-vous qui n’aboutissent pas, des gens qu’on effleure et qui disparaissent.

Comme ça.

Intense un soir, vide le lendemain.

Des suites de présences et d’absences.

Des amorces de romans qui ne verront jamais le jour.

Et.

De faire la même chose aussi.

De n’être pas mieux que les autres.

Ou si peu.

De deleter des gars sous des prétextes de questions insipides, de réactions étranges à des commentaires simples, de tournures de phrases difficiles à déchiffrer ou tout simplement pour le fait d’exister un peu trop loin de mon univers.

J’ai donc évacué sans préavis l’Italien de Montréal-Nord chauffeur de limousine, le beau suisse de la Rive-Sud qui me racontait d'emblée sa tristesse de la fin de sa précédente relation,  l’Américain qui me décrivait longuement sa douleur à un coude, le Péruvien en design qui…heu…qui rien finalement.

Au revers, je suis aussi morte manu militari dans la vie du prof d’histoire de Granby qui m’avait pourtant donné un rendez-vous le dimanche suivant pour un café, du guide pour Vélo-Québec avec qui j’ai correspondu durant des semaines, du banquier qui m’a cancellé à la dernière minute après avoir longuement insisté pour une troisième rencontre, du réalisateur français qui, tellement excité sur le coup, voulait que l’on se voit dare dare le lendemain soir mais qui ne m’a ensuite plus jamais redonné de ses nouvelles.

Des disparitions.

Des faits plus que divers.

Banalités déconcertantes.

Ping.

Pong.

Tu fais.

Je fais.

Tu es là.

Tu n’es plus là.

Je te vois.

Je ne te vois plus.

D'une pression de doigt.

(...) 

Et des miettes d’estime de soi qui restent ensuite sur la route.

Des petites mais des bouts de nous pareil.

J’ai décroché quand j’ai commencé à croire franchement que j’étais devenue une personne, sans aucun doute, insignifiante.

Et que, sur le marché des bons coups, je n'y figurais, de toute évidence, pas ou plus.

Évacuable.

(...)

Dans ma tête, des lumières.
 
Clignotements sur le bord d’une route dangereuse.
Chaussée glissante.
Aquaplanning possible.
Ralentir impérativement pour ne pas perdre le contrôle.
Et.
Mettre les freins avant de prendre le champ.
Crisser le break à bras.
Éteindre le moteur.
Sortir.
 
Respirer avant de se perdre.

Avant de s’étioler.

Et 

Sauver la petite peau de chagrin qu'il nous reste.