Ce fut sans doute ma première nuit avec un gars la
plus étrange de ma vie.
(…)
Je suis allée voir le spectacle.
C’était vraiment bien. Tout un chanteur pour vrai et
une belle énergie.
On s’est vu après le show.
-Tu veux venir
coucher avec le chanteur, qu’il me demande en blaguant. Je vais te texter quand j’arrive chez moi pour
te donner mon adresse.
-Tu ne seras
pas trop fatigué?
-Non, ça va
être ok.
Hum.
Je suis arrivée chez lui vers 1h30 am. Appartement
vraiment atypique mais j’aime les choses atypique. Il semblait, pas
nécessairement nerveux, mais pas très à l’aise. Comme s’il ne savait pas trop
comment prendre les choses. Il est allé prendre une douche et m’a rejoint sur
le lit après.
Tu veux qu’on aille manger
quelque chose?
Heu, pas vraiment.
Tu
as aimé le spectacle?
Oui, oui.
Il me posait la même question des tas de fois.
Non je ne veux pas d’eau, oui ça va, non je n’ai pas
faim, oui le spectacle était bien.
Pas grand fille qu’il amenait chez lui, qu’il me
dit. Étrange un peu, qu’il me dit aussi.
Enfin. Il semblait surtout peu empressé de faire
quelque chose de nos corps.
On s’est embrassé, caressé pudiquement et on a jasé.
De choses et d’autres.
Peu d’initiative de sa part et j’ai arrêté
rapidement d’être pro-active.
Je comprends vite.
-Tu
es fatigué? que je lui demande, full empathique comme toujours.
-J’aimerais
te dire non mais oui.
-Tu
voudrais dormir?
-J’aimerais
te dire non mais oui.
Il s’est étendu à côté de moi.
Et, il s’est endormi.
J’ai somnolé un peu et une heure plus tard je me
suis demandée ce que je faisais bien là, toute habillée, à côté d'un gisant. Je me suis levée.
-Je vais y
aller.
-Pourquoi
tu veux partir maintenant?
-Je ne suis
pas très confortable, la lumière est ouverte, je n’aime pas vraiment dormir
avec mes jeans et j’ai froid aux pieds.
-Je
ne peux pas t’obliger à rester mais on peut se mettre plus confortable si tu
veux.
Je n’aime pas partir en plein milieu d’une nuit
alors j’ai enlevé mes pantalons, ôté mon soutien-gorge mais gardé tout de même
mon chandail.
On s’est placé sous les couvertures et il m’a entouré de ses
bras, en cuillère.
Et, il s’est rendormi.
En me déplaçant un peu plus tard, j’ai
constaté qu’il avait enlevé ses boxers et qu’il était complètement nu.
Me suis demandé,
l’espace d’un moment, s’il avait bien un pénis et j’ai failli regarder pour
vérifier.
En tout cas, première fois de ma vie que le gars se mettait à me
coller tout nu sans que je sache de quoi il avait l’air et sans même que je sente quelque chose d'un peu viril.
C’était un peu
étrange, on va dire ça de même.
C’était surtout un peu comme si nous étions un vieux
couple.
Je me disais que si c'était comme ça la première fois, je me demande bien ce que ça allait être par la suite.
Je n’étais pas nécessairement mieux, naturellement.
Pas faire l'amour c'était une chose, se faire tourner le dos s'en était une autre. Disons que je m'ennuyais de mon lit et du chat de ma fille qui avait la gentillesse de ronronner facilement sous les caresses.
Vers 7 heures du matin, il a ouvert un vague œil.
-Tu ne dors
pas? Pourquoi?
J’ai ramassé mes idées et j’ai avec des gants blancs
verbalisé un peu pourquoi je ne dormais pas vraiment.
-Honnêtement,
je crois vraiment que je vais y aller, je ne sais pas ce que je fais dans ton
lit ni pourquoi tu voulais que j’y sois en premier lieu. Si je comprends bien,
coucher avec le chanteur, il fallait le prendre au sens propre? (je me suis
trouvé drôle). Pas que ce soit nécessaire de vraiment s’envoyer en l’air sous
tous les angles pendant des heures mais observer un dos qui dort, avec un homme
tout nu que j’ai même pas vu se déshabiller, disons que c’est la première fois
que ça m’arrive lors d’une première nuit avec un homme.
Je
comprends que tu dois être fatigué mais bon, je suis un peu fatiguée de
comprendre tout le temps et ce n’est pas nécessairement une situation qui me va,
moi.
Puis, ce n'est pas la seule fois, dans le sens que tu n'étais pas non plus très entreprenant les autres soirs. C'est peut-être une question de chimie qui ne fonctionne pas pour toi avec moi et c'est ok aussi si c'est ça.
-Tu
veux vraiment partir?
Je ne voulais pas nécessairement partir comme ça car
je n’aime pas les mauvaises fins. Mais bon, je me sentais peu désirable depuis
même notre deuxième rencontre où je le trouvais bien réservé. Même si je savais
bien que le « problème » n’était pas nécessairement par rapport à
moi… ce n’était tout de même pas d’une évidence indéniable et je demeure une
fille, dans le fin fond, qui se pose des questions.
C’était, cependant, un bon
exercice d’humilité que je me disais, philosophe.
-J’ai vraiment
eu un coup de fatigue, comme le syndrome de la crevaison, en revenant chez moi.
C’est plate que tu te sentes comme ça. Aucune femme ne devrait se demander ce
qu’elle fait dans le lit d’un gars (duh). T’es tellement rafraichissante, j’ai
jamais eu de belles relations, c’est comme si je ne pouvais pas les mériter
assez. J’ai toujours pensé que mes histoires étaient réglés mais va peut-être
falloir que je m’assois un peu pour me psychanalyser le moi-même. Je ne sais
pas trop.
Nous avons discuté un peu sur le même thème. Au fait, nous avons conversé en toute franchise et c'était bien.
Comme
il souffrait beaucoup des épaules, je lui ai proposé de le masser parce que je
suis une fille vraiment fine ou vraiment conne, au choix.
J’avais tout de même envie de faire l’amour.
Suis de
même, moi, devant un corps.
Je me sentais presque mal.
Et puis, je me disais
que c’était tout de même le comble de me ramasser presque nue avec un gars avec
la libido à zéro alors que je refuse à des tas d’amis qui ont juste envie de
ça faire l’amour des heures de temps, de passer une nuit avec moi.
On s’est finalement caressé un peu. J’avais envie de
le faire jouir avec mes mains. Honnêtement c’était la seule chose qui fittait
relativement avec le reste de la nuit et avec l'ambiance du moment. Je n’imaginais pas vraiment une scène
très hard de sexe ou même de vivre une pénétration quelconque. Il m’avait
d’ailleurs prévenu que ça avait des chances de ne durer que 15 secondes….une fille avertie en valant deux, je me suis adaptée en conséquence et je ne voulais pas trop lui en demander.
On a fait ça comme des ados.
J’ai fini par me mettre
nue.
Il m’a caressé correctement.
C’était bien dans le relativement chaste si tant
faire se peut. Disons que nous n’avons pas réinventé le genre et qu'il était aussi loin de m'attacher au calorifère qu'une victoire du Bloc québécois aux prochaines élections!
On s’est collé un peu. On s’est rendormi. On a
rejasé en nous réveillant.
J’aurais refait l’amour trois fois de plus. Mais, de
toute évidence, pas lui.
Fatigué ou non, j'ai déjà connu un tantinet plus virilement présent dans les gestes ou les mots ou les envies. On va encore dire ça de même.
(…)
Je devais partir.
Finalement, et pour de vrai.
Me suis rhabillée.
Il m’a ramené à
ma voiture. On s’est serré en se souhaitant une belle journée. Merci d’être
resté qu’il me dit. Je n’ai rien dit vraiment.
En arrivant chez moi, plus tard, et en le revoyant en ligne sur le site de rencontre, je lui ai écrit pour le
remercier de la ride de char. Pour
lui dire aussi que j’aimais bien les belles histoires et que j’avais un peu de
misère à classer celle-ci. Que c’était plein de mixed feeling.
Il semblait trouver que je me posais trop de questions et que lui avait plutôt choisi, dans sa vie, de ne plus s'en poser. Il me disait qu'il y a des gens qui vont mieux ensemble que d'autres et m'a cité les accords toltèques. Ah ben, coudonc!Il m'a aussi dit que les gens qui se posaient beaucoup de questions allaient mieux avec les gens qui savaient y répondre, ce en quoi il a parfaitement raison.
Je lui ai répondu, bien inutilement, que c’était un
peu dur de ne se poser aucune question devant une situation aussi étrange pour
moi que celle d’hier. Ou enfin, peut-être que d’autres pouvaient le faire mais
que, en effet, je n’en étais pas. De toute manière, pour moi, se poser des
questions amenait souvent des réponses et nous permettait aussi d’avancer.
Questions de perspective, nous n’étions pas du tout
sur le même tempo.
(…)
J’ai eu de la peine, un peu.
Parce que je suis une fille sensible qui se demande
tout le temps ce qu’elle aurait du faire pour bien faire ou pour mieux faire les choses.
Je me suis aussi demandée si ce n’était pas un peu moi qui ne faisait pas l'affaire ou qui ne dégageait pas les bonnes choses ou
si c’était étrange pour vrai comme nuit.
Ma carapace d'assurance est fragile et j'ai encore ce réflexe de me dire que je ne devais pas être assez belle, excitante ou intéressante.
Mais bon, j'ai tout de même une certaine certitude (merci, entre autre, à mes ex qui me le disent encore souvent) qu'il était tout de même passé à côté de quelque chose de bien.
Tout de même!
(…)
Et j'ai appris.
Comme toujours, comme souvent.
J’ai appris pour les prochaines fois.
J’ai appris que lorsque j’ai le feeling qu’il
faudrait que je quitte, même si c’était en pleine nuit, et bien que je devrais
quitter et aller dormir dans mon lit.
J’ai appris aussi que, lorsqu’un gars n’a jamais eu
de sa vie de relations satisfaisantes de toute sa vie, c’était, peut-être, un
peu, parce qu’il en était incapable.
J’ai appris aussi à bien vérifier le sens de « veux-tu
venir coucher avec moi » avant d’accepter une telle invitation,question que j'apporte alors mon pyjama. ;)
J'ai appris à ne pas banaliser un gars qui affirme n'avoir jamais hâte à rien et ne jamais non plus s'ennuyer de quelque chose.
J'ai appris à me méfier des gars qui n'ont aucun livre dans leur appartement (affirmation totalement gratuite ici bien que...) et surtout à me faire confiance sur mes impressions dès les premiers échanges par écrit.
J'ai appris à me faire confiance quand je sens que l'homme que j'embrasse ne semble pas avoir plus faim de peau que ça.
J’ai appris surtout qu’on ne sauve personne.