lundi 30 mars 2015

Chapitre 5



Monter les escaliers.

Refermer la porte de sa chambre.

Des livres sur une petite bibliothèque qui accrochent naturellement mon regard. 

Chambre simple mais confortable. Grandes fenêtres. Le lit est fait. Un vélo dans un coin, une petite table basse, une carte du Canada avec un trajet tracé au feutre noir.

Il branche son téléphone. Met de la musique. Mots clés "sex relax". Je le saurais plus tard et ça m'a fait pouffer de rire quand il m'a dit ça. Ça me fait encore rire d'ailleurs. Je veux "sex relax" dans ma voiture!

Lumières ok mais que je vais baisser tout de même un peu.

J'ai la pudeur de mon âge.

Depuis le début ou presque, j'ai cette envie très forte de devenir un beau souvenir de voyage.
C'est une belle idée, je trouve, être un souvenir de voyage.

C'est sans doute la plus belle des idées, d'ailleurs. Se placer entre la première neige sur la ville, la découverte des escaliers extérieurs des maisons montréalaises, la vue depuis le Mont-Royal et le plaisir d'entendre mille fois les gens dirent "tu veux-tu"? Envie d'être intimement lié, pour lui, à cette période de sa vie de voyageur un peu égaré à Montréal dans cette fin d'hiver qui s'éternise.

Devenir ultimement le genre de souvenir de vieux qui tient chaud au ventre et qui fait sourire quand on  se prend à le caresser, bien des années plus tard.

Faire partie de la quête, être l'exotisme.

Savoir être sa première "québécoise" et du coup, prendre cela très au sérieux.

Je suis patriotique, de même, moi. Très hospitalière de nature. Fière d'être descendante de ce peuple chaleureux au cœur plus grand que nature. Une race de survivantes sur un sol aride.

Du coup, je suis toutes les Québécoises, l'espace d'une nuit.

(…)

Et, je n'arrive pas à trouver les mots pour décrire.

Ou ils sont trop pauvres et fades pour partager ce qui a été.

Faudrait que je poétise, ultime recours.

Il n'y eu pas une nuit au fait, mais mille nuits dans une.

Nuit blanche faite de parcelles de multiples moments.
Pleine.

Ah oui, du sexe très certainement, mais il fut là presque comme un accessoire. Comme si le but était ailleurs que dans la quête du plaisir purement physique.  Il y avait, cette nuit-là, que deux humains contents, avant tout, de se mettre à nu et de s'enrouler de l'autre. Un partage éphémère d'humanité.

Se respirer le visage, s'assoupir dans un souffle, bouche contre bouche. Laisser ses mains s'égarer dans les plis, les recoins. Masser. Toucher inlassablement. Parler aussi. Entre chacune des fois. Parler comme seuls les amants peuvent le faire. Avec l'odeur de l'autre en soi. 

Voix douces et rauques de nuit.

Maladresses aussi. De ma part. De la sienne. Nous n'étions pas dans un film de soft porn. On était dans la fucking de vraie vie avec tout ce qui vient avec. Maladresse de premières fois où le corps de l'autre demeure une énigme. 

Lâcher prise, un peu.

Trouver que la lumière éteinte c'est un peu plus facile. Se sentir bien dans le regard qu'il pose. Savoir que nous sommes heureux d'y être, ensemble, dans ce moment présent.

Savoir aussi avec certitude que ça pourrait finir là, comme ça et que ça serait vraiment beau.
L'histoire qui fait du bien est dans la boite.
Peu importe la suite des choses.

-Tu veux que j'y aille
-Chut, je ne veux pas que tu partes.

Le sentir sincère. Le croire.

Se réveiller. Le voir lever un œil sur moi.

-T'es belle le matin

Rire parce qu'il est un tantinet menteur.
Faire l'amour dans le jour naissant avec ce soleil qui pénètre la chambre.

Pour la dernière fois.
Pour la dernière fois?

Avant que je ne parte.





2 commentaires:

  1. "Monter les escaliers", c'est en soi érotique. Bon début et belle fin... peut-être?

    RépondreSupprimer
  2. Ce commentaire a été supprimé par l'auteur.

    RépondreSupprimer