mardi 24 mars 2015

Chapitre 1



Un site de rencontre.

Je suis le stéréotype de la femme de 43 ans. Celle qui est célibataire, qui a perdu du poids, qui mange végétarien, qui s'est mise à la course et qui voyage sac sur le dos hors des sentiers battus mais que, finalement, tout le monde bat pareil. Une caricature de son époque. Il me manque l'aquaspinning et les fins de semaine de méditation pour être dans le top des top.

Être si semblable aux autres dans cette envie d'être si unique.


Je me regarde d'un œil froid et externe et je me moque.


Même écrire ce que j'écris ici est caricatural, semblable, symptomatique de notre quête de sens façon 2015.
Je corresponds encore et c'est lassant de tant de normalité.


Site de rencontre, alors.


Surfer sur la vague de la misère humaine dans ce besoin de se sentir belle dans le regard des autres. Ne pas être déjà hors concours dans le jeu de la séduction. Désirer et se faire désirer. Se sentir vivre. Écarter la mort. Repousser l'âge et ce qui vient avec. Plaire encore, peut-être?
À la recherche de soi-même, finalement.
Et, combler le vide de la solitude parce qu'il nous oblige à réfléchir. Remplir le trou. Se brouiller la tête pour oublier que nous ne sommes que passage.


Site de rencontre, donc. 


Des photos qui défilent sous mes yeux. Magasinage en ligne. D'un clic, écarter le gros chauve avec des lunettes fumées, le gars qui pose avec des bananes sur sa tête, le dude torse nue avec une bière, le trop beau pour être vrai, le trop laid pour être rêve. Clic non, clic non, clic non. Rapide. Pas de temps à perdre quand il est question de bannir ces gens instantanément du cercle des possibles. Sont morts dans ma vie. Inexistants. Du rien.

Ne plus vraiment réfléchir et appuyer sur le x machinalement. Tout le monde est laid, moche, insignifiant dans la multitude. Masse informe dont je fais partie, moi aussi. Je suis la masse de l'autre.
Un clic trop à droite et voilà que sans le vouloir nous avons aimé une photo. Et, quelle photo!? Fallait vraiment être à côté de ses clics. Après lecture attentive de la fiche, c'est encore pire. Sans doute la fiche la plus moche lue jusqu'à présent et surtout écrite par un jeune blanc bec de 26 ans. Morte de rire, je suis presque. C'est LumberiesJS qui bouche ouverte et à la recherche de "hot sensation" qui me pointe un plat de pâte informe. Est bon au lit, entre autre. Trop de livres et de films qu'il aime pour en faire la liste. Misère. Découragement de m'être égarée la souris. Bah, ça prête peu à conséquence, en général, si ce n'est que le Lumberies en question avait aussi aimé notre fiche (l'avait-il lu?). Bah, encore une fois, bien peu de conséquences à ça aussi. Fonction "dislike"? pas vraiment cherché. 


Un message, dans ma boite aux lettres virtuelles.


LumberiesJS qui me parle de l'Inde.
Sans faute.
Surprise, je suis.
Parce que je suis de mon époque et que je suis pleine de préjugés.

Je lui réponds illico en lui expliquant et en m'excusant de ma bévue. Je pourrais être sa mère, je n'aime pas les jeunes de toute manière et je suis fort dubitative sur les motivations d'un type de 26 ans à parler avec une femme de mon âge.Pari avec des amis? tableau de chasse? fantasme de cegepien? lecteur d'Alexandre Jardin?

Réponse encore agréable et charmante du Lumberies. 


Ah, le p'tit criss.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire