St-Denis coin Jarry
Neige fondante sur Montréal.
Je l'ai vu à travers la baie
vitrée du café.
Chevelu et barbu.
J'aime les barbes sans trop savoir
pourquoi. Il y a quelque chose de primitif dans un homme à barbe. Très viril
aussi. Oui, je sais. Lieux communs de mon époque, encore une fois.
Bien plus mignon que sur ses
photos. Très loin de ce que j'imaginais.
Vraiment loin.
Un je ne sais quoi qui me
rappelait un je ne sais trop qui.
J'ai souri.
Au fait, toute la situation me
faisait sourire.
J'assumais d'être là.
Je crois.
Je suis arrivée en m'excusant de
mon retard. Tourbillon de manteau qu'on enlève.
Me suis assise et j'ai plongé mes
yeux dans les siens.
Verts.
Doux.
Posés amusés sur moi. Un quelque
chose qui brillait en coin.
J'ai souri encore et je l'ai remercié de
ne pas avoir mis de casquette à l'envers ou de chemise à carreaux.
Il a ri.
Je suis une fille gênée, bien
plus qu'il n'y parait. L'histoire de ma vie. Je dégage de l'assurance mais je
suis une petite chose en dedans. Je joue bien.
Gênée, très, je suis donc.
Commande du serveur, sourire en
coin (le mien).
Je me demande de quoi tout cela
peut bien avoir l'air. Je jase avec mon fils? Un neveu? Un jeune qui veut une
job? On ne se fiche jamais complètement du regard social.
Belle voix.
Un français.
Mais ça, je le savais.
Je l'ai su après deux échanges de
textos. Pas un québécois qui est capable de draguer une femme comme ça, tout en
subtilité dans un savant mélange de retenu et de rentre dedans. Je stéréotype à
mort mais pas tant. L'homme québécois est plus pétillant à la vue d'une machine
à café que devant les courbes d'une femme…ou juste incapable de se permettre le
regard.
Sourire, rire.
Et tout coule tellement
facilement.
(…)
Et sa main qui éventuellement me
frôle, ou est-ce la mienne qui frôle la sienne? Sentir à un moment donné qu'il
y a un courant possible dans un savant je-ne-sais-quoi dans l'air. Être
heureuse juste de sentir ça. Heureuse de se sentir avoir envie.
Non-verbal très présent…nos
hormones se plaisent.Indéniablement.
Ses mains sont douces. Balai
agréable qui m'effleure.
Il a le tour sans donner
l'impression de l'avoir.
J'hésite entre les rôles à tenir.
Pas de metteur en scène pour me dire comme agir. Je suis la femme d'expérience?
Celle qui est à l'aise et qui sait quoi faire? Je suis celle qui chasse et il
est la proie ou est-ce le contraire?
Bah. On ne tournera pas autour du
pot mille ans. Je n'ai envie de rien construire de toute manière et je ne peux
rien y perdre.
Ses lèvres sont magnifiques et
accueillantes et c'est moi qui me penche la première pour l'embrasser.
J'ai choisi mon rôle.
Je crois.
Et... ??
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