samedi 26 septembre 2015

Apprendre


Ce fut sans doute ma première nuit avec un gars la plus étrange de ma vie.

 (…)

Je suis allée voir le spectacle.

C’était vraiment bien. Tout un chanteur pour vrai et une belle énergie.

On s’est vu après le show. 

-Tu veux venir coucher avec le chanteur, qu’il me demande en blaguant. Je vais te texter quand j’arrive chez moi pour te donner mon adresse.

-Tu ne seras pas trop fatigué? 

-Non, ça va être ok.

Hum.

Je suis arrivée chez lui vers 1h30 am. Appartement vraiment atypique mais j’aime les choses atypique. Il semblait, pas nécessairement nerveux, mais pas très à l’aise. Comme s’il ne savait pas trop comment prendre les choses. Il est allé prendre une douche et m’a rejoint sur le lit après.  

Tu veux qu’on aille manger quelque chose

Heu, pas vraiment.

Tu as aimé le spectacle

Oui, oui.

Il me posait la même question des tas de fois. 

Non je ne veux pas d’eau, oui ça va, non je n’ai pas faim, oui le spectacle était bien.

Pas grand fille qu’il amenait chez lui, qu’il me dit. Étrange un peu, qu’il me dit aussi.

Enfin. Il semblait surtout peu empressé de faire quelque chose de nos corps.

On s’est embrassé, caressé pudiquement et on a jasé. De choses et d’autres.

Peu d’initiative de sa part et j’ai arrêté rapidement d’être pro-active.
Je comprends vite.

-Tu es fatigué? que je lui demande, full empathique comme toujours.

-J’aimerais te dire non mais oui.

-Tu voudrais dormir

-J’aimerais te dire non mais oui.

Il s’est étendu à côté de moi. 

Et, il s’est endormi.

J’ai somnolé un peu et une heure plus tard je me suis demandée ce que je faisais bien là, toute habillée, à côté d'un gisant. Je me suis levée. 

-Je vais y aller.

-Pourquoi tu veux partir maintenant?

-Je ne suis pas très confortable, la lumière est ouverte, je n’aime pas vraiment dormir avec mes jeans et j’ai froid aux pieds.

-Je ne peux pas t’obliger à rester mais on peut se mettre plus confortable si tu veux.

Je n’aime pas partir en plein milieu d’une nuit alors j’ai enlevé mes pantalons, ôté mon soutien-gorge mais gardé tout de même mon chandail. 
On s’est placé sous les couvertures et il m’a entouré de ses bras, en cuillère. 
Et, il s’est rendormi. 
En me déplaçant un peu plus tard, j’ai constaté qu’il avait enlevé ses boxers et qu’il était complètement nu. 
Me suis demandé, l’espace d’un moment, s’il avait bien un pénis et j’ai failli regarder pour vérifier. 
En tout cas, première fois de ma vie que le gars se mettait à me coller tout nu sans que je sache de quoi il avait l’air et sans même que je sente quelque chose d'un peu viril.
C’était un peu étrange, on va dire ça de même.

C’était surtout un peu comme si nous étions un vieux couple. 
Je me disais que si c'était comme ça la première fois, je me demande bien ce que ça allait être par la suite. 

Je n’étais pas nécessairement mieux, naturellement. 

Pas faire l'amour c'était une chose, se faire tourner le dos s'en était une autre. Disons que je m'ennuyais de mon lit et du chat de ma fille qui avait la gentillesse de ronronner facilement sous les caresses.

Vers 7 heures du matin, il a ouvert un vague œil. 

-Tu ne dors pas? Pourquoi?

J’ai ramassé mes idées et j’ai avec des gants blancs verbalisé un peu pourquoi je ne dormais pas vraiment.

-Honnêtement, je crois vraiment que je vais y aller, je ne sais pas ce que je fais dans ton lit ni pourquoi tu voulais que j’y sois en premier lieu. Si je comprends bien, coucher avec le chanteur, il fallait le prendre au sens propre? (je me suis trouvé drôle). Pas que ce soit nécessaire de vraiment s’envoyer en l’air sous tous les angles pendant des heures mais observer un dos qui dort, avec un homme tout nu que j’ai même pas vu se déshabiller, disons que c’est la première fois que ça m’arrive lors d’une première nuit avec un homme.
Je comprends que tu dois être fatigué mais bon, je suis un peu fatiguée de comprendre tout le temps et ce n’est pas nécessairement une situation qui me va, moi.
Puis, ce n'est pas la seule fois, dans le sens que tu n'étais pas non plus très entreprenant les autres soirs. C'est peut-être une question de chimie qui ne fonctionne pas pour toi avec moi et c'est ok aussi si c'est ça.

-Tu veux vraiment partir?

Je ne voulais pas nécessairement partir comme ça car je n’aime pas les mauvaises fins. Mais bon, je me sentais peu désirable depuis même notre deuxième rencontre où je le trouvais bien réservé. Même si je savais bien que le « problème » n’était pas nécessairement par rapport à moi… ce n’était tout de même pas d’une évidence indéniable et je demeure une fille, dans le fin fond, qui se pose des questions. 

C’était, cependant, un bon exercice d’humilité que je me disais, philosophe.

-J’ai vraiment eu un coup de fatigue, comme le syndrome de la crevaison, en revenant chez moi. C’est plate que tu te sentes comme ça. Aucune femme ne devrait se demander ce qu’elle fait dans le lit d’un gars (duh). T’es tellement rafraichissante, j’ai jamais eu de belles relations, c’est comme si je ne pouvais pas les mériter assez. J’ai toujours pensé que mes histoires étaient réglés mais va peut-être falloir que je m’assois un peu pour me psychanalyser le moi-même. Je ne sais pas trop.

Nous avons discuté un peu sur le même thème. Au fait, nous avons conversé en toute franchise et c'était bien.

Comme il souffrait beaucoup des épaules, je lui ai proposé de le masser parce que je suis une fille vraiment fine ou vraiment conne, au choix.

J’avais tout de même envie de faire l’amour. 
Suis de même, moi, devant un corps. 
Je me sentais presque mal. 
Et puis, je me disais que c’était tout de même le comble de me ramasser presque nue avec un gars avec la libido à zéro alors que je refuse à des tas d’amis qui ont juste envie de ça faire l’amour des heures de temps, de passer une nuit avec moi.

On s’est finalement caressé un peu. J’avais envie de le faire jouir avec mes mains. Honnêtement c’était la seule chose qui fittait relativement avec le reste de la nuit et avec l'ambiance du moment. Je n’imaginais pas vraiment une scène très hard de sexe ou même de vivre une pénétration quelconque. Il m’avait d’ailleurs prévenu que ça avait des chances de ne durer que 15 secondes….une fille avertie en valant deux, je me suis adaptée en conséquence et je ne voulais pas trop lui en demander.

On a fait ça comme des ados. 

J’ai fini par me mettre nue.

Il m’a caressé correctement.

C’était bien dans le relativement chaste si tant faire se peut. Disons que nous n’avons pas réinventé le genre et qu'il était aussi loin de m'attacher au calorifère qu'une victoire du Bloc québécois aux prochaines élections!

On s’est collé un peu. On s’est rendormi. On a rejasé en nous réveillant.

J’aurais refait l’amour trois fois de plus. Mais, de toute évidence, pas lui. 

Fatigué ou non, j'ai déjà connu un tantinet plus virilement présent dans les gestes ou les mots ou les envies. On va encore dire ça de même. 


(…)

Je devais partir. 

Finalement, et pour de vrai.

Me suis rhabillée. 

Il m’a ramené à ma voiture. On s’est serré en se souhaitant une belle journée. Merci d’être resté qu’il me dit. Je n’ai rien dit vraiment.

En arrivant chez moi, plus tard, et en le revoyant en ligne sur le site de rencontre, je lui ai écrit pour le remercier de la ride de char. Pour lui dire aussi que j’aimais bien les belles histoires et que j’avais un peu de misère à classer celle-ci. Que c’était plein de mixed feeling.

Il semblait trouver que je me posais trop de questions et que lui avait plutôt choisi, dans sa vie, de ne plus s'en poser. Il me disait qu'il y a des gens qui vont mieux ensemble que d'autres et m'a cité les accords toltèques. Ah ben, coudonc!Il m'a aussi dit que les gens qui se posaient beaucoup de questions allaient mieux avec les gens qui savaient y répondre, ce en quoi il a parfaitement raison.

Je lui ai répondu, bien inutilement, que c’était un peu dur de ne se poser aucune question devant une situation aussi étrange pour moi que celle d’hier. Ou enfin, peut-être que d’autres pouvaient le faire mais que, en effet, je n’en étais pas. De toute manière, pour moi, se poser des questions amenait souvent des réponses et nous permettait aussi d’avancer.

Questions de perspective, nous n’étions pas du tout sur le même tempo.

(…)

J’ai eu de la peine, un peu.

Parce que je suis une fille sensible qui se demande tout le temps ce qu’elle aurait du faire pour bien faire ou pour mieux faire les choses.

Je me suis aussi demandée si ce n’était pas un peu moi qui ne faisait pas l'affaire ou qui ne dégageait pas les bonnes choses ou si c’était étrange pour vrai comme nuit. 

Ma carapace d'assurance est fragile et j'ai encore ce réflexe de me dire que je ne devais pas être assez belle, excitante ou intéressante.

Mais bon, j'ai tout de même une certaine certitude (merci, entre autre, à mes ex qui me le disent encore souvent) qu'il était tout de même passé à côté de quelque chose de bien.

Tout de même!

(…)

Et j'ai appris.

Comme toujours, comme souvent.

J’ai appris pour les prochaines fois.

J’ai appris que lorsque j’ai le feeling qu’il faudrait que je quitte, même si c’était en pleine nuit, et bien que je devrais quitter et aller dormir dans mon lit.

J’ai appris aussi que, lorsqu’un gars n’a jamais eu de sa vie de relations satisfaisantes de toute sa vie, c’était, peut-être, un peu, parce qu’il en était incapable.

J’ai appris aussi à bien vérifier le sens de « veux-tu venir coucher avec moi » avant d’accepter une telle invitation,question que j'apporte alors mon pyjama. ;)

J'ai appris à ne pas banaliser un gars qui affirme n'avoir jamais hâte à rien et ne jamais non plus s'ennuyer de quelque chose.

J'ai appris à me méfier des gars qui n'ont aucun livre dans leur appartement (affirmation totalement gratuite ici bien que...) et surtout à me faire confiance sur mes impressions dès les premiers échanges par écrit.

J'ai appris à me faire confiance quand je sens que l'homme que j'embrasse ne semble pas avoir plus faim de peau que ça.
J’ai appris surtout qu’on ne sauve personne.

13 commentaires:

  1. Tu en appris des choses avec un seul gars. Toi qui ne veux surtout pas enseigner le soir venu, on dirait bien que tu as eu ta et tes leçons. Le plus intéressant, je dirais et j'ai tiqué tout de suite là-dessus quand tu l'as écrit dans ton autre billet, c'est le pauvre petit minou qui n'a jamais eu de femmes assez bonnes pour lui. Méfiance immédiate! Le gars qui te dit qu'il adore sa mère et ses soeurs et que son ex-femme était une personne extraordinaire bien que là, ils ne s'aiment plus mais ils se sont beaucoup aimé a plus de chance d'être une personne équilibrée. Et les gens équilibrés ont une meilleure libido et baisent mieux. Qui a dit ça? Moi, moi! ;o)

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  3. Au fait, je me sens tout de même un peu mal. Dans le sens que je manque peut-être vraiment de compréhension et d'indulgence? Je suis peut-être trop exigence sur le plan physique? J'ai tendance à associer la libido avec l'intérêt pour l'autre mais ce n'est peut-être pas comme ça qu'il faut que je vois les choses. Je ne sais pas trop. J'ai présumé que je ne l'excitais pas assez car il ne bandait pas vraiment et était peu entreprenant. J'ai présumé qu'il ne voulait pas qu'on se revoit car il était en ligne sur le site. J'ai présumé que ce serait pas nécessairement mieux les autres fois. Enfin...j'ai peut-être trop présumé.
    Chose certaine, je n'aurais pas été bien dans une "relation" avec lui. Je me pose en effet trop de questions et j'ai besoin de quelqu'un qui ne m'en fait pas me poser plus que nécessaire.

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  4. Il a quoi... 47 ans? C'est l'âge où les hommes commencent à ne plus bander si facilement. Si tu vas dans plus vieux encore (tu devrais essayer, pourquoi pas?), tu vas voir ce que je veux dire. Bien que ce soit très extrêmement individuel comme phénomène, évidemment. Souvent, ils compensent par autre chose et deviennent de meilleurs amants.

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  5. Une performance sur scène on dit que ça se compare à courir un marathon. Pas une job ordinaire. Normal d'être totalement crevé. C'était peut-être pas le meilleur temps pour une première fois. Il voulait que tu le voies en spectacle mais la rencontre au lit aurait pu être un autre soir.

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  8. J'ai repensé à cette rencontre (tes histoires me fascinent, ça a bien l'air! ;o) et j'ai imaginé que tu étais le gars et lui la fille. Et on dirait que tout le portrait change. On arrête pas de dire qu'en tout temps, on peut dire non à une relation sexuelle et même au dernier moment, nus dans un lit. Faire l'amour n'est pas un droit, c'est un privilège. Cependant, je ne pense pas que tu le rejettes pas seulement parce qu'il ne t'a pas fait l'amour (bien que...) mais également parce que tu penses "vous n'étiez pas du tout sur le même tempo". Le fait que tu sois amoureuse de quelqu'un d'autre et que la relation avec cet autre ait été si parfaite peut également jouer dans le désir d'ouverture à un inconnu qui est tellement différent à tous points de vue.

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  10. Au fait...ça ne me dérangeait pas nécessairement qu'on ne fasse pas l'amour. C'est l'ensemble de l'oeuvre je dirais. La manière de ne pas faire l'amour justement.
    Et bon, ça se dit aussi et ça se fait de faire sentir l'autre désirable pareil. Entourer l'autre et le faire sentir bien c'est un art et c'est bien plus difficile à faire que l'amour....j'aurais été à l'aise avec tous les mots du genre "je ne suis pas prêt à avoir une relation pour telle raison, j'ai envie de tendresse..." genre...

    Mais c'est vrai que peut-être qu'il cherchait une compagne amoureuse long terme alors que moi je crois que je cherche plus un amant gentil, régulier et divertissant, pour le moment.

    Je ne sais pas pour l'âge. J'ai eu un ex de 49 ans qui n'avait rien à envier aux jeunes. Ceci dit, vais peut-être me décider à répondre aux autres jeunes qui me font des demandes de rencontres! Vais te raconter...;-)

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  11. Je sais par contre que je ne suis pas prête du tout à avoir un amant ou un amoureux qui n'a pas une bonne libido. Je le sais et je me connais...ça ne m'irait pas en ce moment et je vais passer mon temps à manger mes bas. J'ai envie de faire l'amour et de toucher beaucoup avec de la tendresse il va sans dire mais j'ai plus envie d'une belle relation sexuelle que d'une belle relation amoureuse. Pour le moment...

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  12. Au fait, tu as super raison Femme libre. Il n'était pas obligé de faire l'amour même nu dans le lit. Je n'ai pas insisté, ne l'ai pas forcé, n'ai pas fait de scène...sur le coup, tout était tendre, doux et relax, même si je n'étais pas très bien en dedans avec la façon d'être. Tout était respecté mais j'ai le droit de ne pas avoir aimé ça, de ne pas avoir trouvé ça très chouette et de ne pas trouver que c'était une situation confortable et agréable.

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  13. Tiens des choses qui me reviennent maintenant.
    Il m'avait dit que ça devait être vraiment différent d'être au lit avec un plue jeune homme. Comme je lui répondais que ce l'était pas tant, il m'avait dit que les hommes en vieillissant étaient pas mal moins performants.
    Et, en lui textant je lui avais dit que j'avais eu envie de faire l'amour en l'embrassant. Il m'avait répondu :" tu as déjà eu envie de faire l'amour!" comme si c'était un truc complètement fou.
    Ouais, pas le même tempo.

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