jeudi 4 février 2016

Me suffire



Dormir avec Sébastien.

C’est sans doute ce que je préfère.

Je ne sais pas trop vraiment à quoi ça tient exactement mais c’est un partenaire de lit incroyable.

Il dort sur le dos, les bras toujours ouverts, son corps toujours offert. 
Réceptif, il se retourne avec moi au rythme de mes agitations nocturnes, me resserre contre lui, me regarde avec ce sourire doux même quand je le réveille en plein milieu de la nuit.
Même dans son sommeil, ses doigts me flattent.
Tout le temps.
Il ne semble jamais dérangé par ma tête sur son épaule, il ne change jamais de position, ne semble jamais avoir trop chaud, n'est jamais ankylosé par mon poids sur lui, ma présence sur ses flancs.

Jamais trop, jamais pas assez. Toujours là.
Intuitivement à l'écoute.

Un aimant qui m’attire.

(…)

Puis?

Ce dix jours avec lui?

Et...
Ce fut trop et ce ne fut pas assez, tout à la fois.

Dans cette envie d’en profiter à fond pour ce peu de temps qu’il passait ici, nous avons fait des tas de trucs sur notre longue liste de To Do

J’avais envie que ça vaille vraiment la peine qu’il se soit déplacé jusqu’ici. Toujours un peu cette idée que ma seule présence n'est pas suffisante pour mériter un tel voyage.

Nous avons donc patiné sur le canal Rideau, sommes allés au chalet de ma copine, avons été au spa, au cinéma, au musée, dans les friperies vintages, mangé avec ma maman chez les Indiens, de l’haïtien sur Jarry, du vietnamien dans le quartier chinois, de la pizza au café Parvis, des verres à la Distillerie, des sushis à volonté, sommes allés voir l’impro au Lion d’or deux fois, dansé du jive à l’Escalier, vu des amis à lui, bu du thé chez un chinois du vieux Montréal.

Bref. Nous avons roulé notre bosse comme on dit.

Mais...

Avec ma vie « ordinaire » de famille/enfants/travail/correction de fin d’étape/entrainement/maitrise, faire rentrer un gars dans ce tourbillon, ce n’était pas si évident. 

Je suis fatiguée et j’aspire maintenant à du morne quotidien dans ce certain soulagement qu’il soit reparti pour arriver, enfin, à faire mes affaires mises temporairement sur la glace.

J’avais des fantasmes de rentrer du travail, de me mettre en pyjama après avoir passé l’aspirateur, de manger un truc insignifiant, de m’épiler en jasant avec mes enfants qui font leurs devoirs dans mon lit, de me foutre un masque sur le visage en laissant trainer mon linge par terre.

Il s’est foulé un peu la cheville deux jours avant de partir. Avec son pied qui allait moins bien, ça nous a donné la chance (!!) de passer une soirée tranquille chez moi, à cuisiner. Nous avions prévu le thé  chez un japonais, aller souper à l’Express pour ensuite finir la soirée au Dièse onze. Ouf! J’ai pu faire l’épicerie et du lavage à la place.
Très heureuse de ce rien confortable.
Lui aussi d'ailleurs.
Ne rien faire ensemble était aussi sur notre To Do liste...

(...) 

Et.

On a fait l’amour, naturellement.

Tous les jours, plusieurs fois.

Je jouis facilement avec lui et ça aussi c’est franchement bon. C’est un amant attentif, créatif, en contrôle et que j’excite indéniablement beaucoup. Il a la vigueur de son âge et j’apprécie à sa juste valeur qu’il puisse venir relativement rapidement et souvent.

Souvent surtout.
 
Mais.
Tout de même.
Des bémols dans ma tête.

Car.

On ne sort pas aussi facilement un français de son caractère de français. 
Cette manière de dire un peu ampoulée, les expressions presque caricaturales qu’il utilise, cette impatience un peu condescendante, des fois et surtout au volant!

Hum! Il a beau être super, ça demeure un indécrottable français et ça me faisait frémir un peu le coin de l’humeur bien plus qu’avant. 

Peut-être parce que c’est moins un amant de passage?
Peut-être parce que c'était intensément de présence concentrée

Peut-être parce que je ne suis pas en mode vacances?

Puis.

Je l’ai trouvé un peu jeune aussi. Parce que dans mon quotidien de femme qui a l’habitude de gérer une maison, un travail, des enfants…il détonnait un peu. J’ai des préoccupations de mon âge et il ne fait pas le poids pour correspondre avec moi dans ça. Même un homme de mon âge n’y arrive pas facilement alors, pour lui, malgré sa prévenance pour moi, avec son maigre bagage de vie, je sens le clivage.

C’est la première fois qu’il passait autant de temps avec une fille, dans le même espace. Il est en recherche d’emploi, reste chez sa mère en attendant. Il est en transition, en mouvance.

Pas moi. 

Je trouvais, malgré son aisance et sa simplicité, nos différences fondamentales de vie plus mises en évidence, cette fois-ci.

J'ai eu envie qu'il parte.

J'ai eu envie qu'il reste.

(...) 

Mais.
J’ai fait un constat important.

Celui de réaliser que je ne veux pas vraiment vivre avec un gars, au quotidien. 

Réaliser que je suis bien seule sans avoir à penser au bien-être d’un autre adulte tous les jours. Déjà que je pense à mes enfants, c’est bien en masse pour moi. 

Réaliser que je n'ai pas besoin de ça.
Pas maintenant, du moins. 

Suis tellement contente d’être rendue là, moi qui a toujours cru que vivre à deux dans le même espace était le nec plus ultra de la vie et que, sans l’autre, point de salut possible.

Je me sens forte de cette non-envie qui m’a sauté au visage.

J’aime cette liberté que me procure l'idée de m'organiser relativement seule avec mes horaires et mes envies.

Je me sens entrer dans la modernité féminine. Celle qui n'a pas besoin d'un homme dans son foyer pour exister.
 
De réaliser ça a rendu ma quête d’un compagnon éventuel de quotidien temporairement caduque.

Soulagement. 

Je me suffis à moi-même.

Suis contente de cet amour à distance dont je ne connais pas la suite.

Contente de m’ennuyer de lui pareil et de le savoir existant.
Curieuse de la suite de ce nous étrange et déparaillé. 
Contente de son ouverture qui me permet toutes les options et toutes les fantaisies. 

Envie très forte d’avoir deux-trois gars comme ça. 

Et, surtout, de ne dépendre d’aucun.

(...)

Nous nous sommes laissés aux portes de l'embarquement.

Dur de se séparer et d'arrêter de s'embrasser.

Étrange de ne pas savoir quand on pourra de nouveau faire l'amour ensemble. 
Certaine que ça reviendra sans doute.
Un jour. 

Se suivre des yeux jusqu'au moment où ce n'est plus possible.

Agiter encore une main, sourire une dernière fois. 

Rejouer cette scène si banale, celle de la séparation de deux amants dans un quelconque quai, aéroport, bord de route.

Ce n'était pas Orly le dimanche mais c'était magnifique.


3 commentaires:

  1. C'est quand même bien que tu lui trouves quelques défauts finalement! Le quotidien gruge la magie, même un quotidien qui ne dure que dix jours. Je suis extrêmement impressionnée par tout ce que vous avez réussi à faire comme visites et événements en si peu de temps, alors que tu travaillais à temps plein. Et on s'entend qu'enseigner au secondaire, c'est pas mal plus dur que de se glisser derrière un ordinateur dans un bureau! On est toujours en représentation et on n'a pas le droit ni l'occasion d'être fatiguée. Bref, je constate que tu n'as rien perdu de ton efficacité et de ta performance de prime jeunesse! On ne se refait pas eheh!

    Tu as décidé de ne plus vivre avec un homme? C'est en effet très tendance. Mais tout peut changer selon les personnes que l'on rencontre. Laisse la porte ouverte.

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  2. Je te reconnais tellement là ! La longue liste de to do d'incontournables à faire et à voir... toujours un tourbillon ma belle ;) Ralentir et savourer, c'est bien aussi.
    Se rendre compte qu'on n'a pas besoin d'être deux pour exister est un sentiment incroyable, non ?

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  3. J'avais tout de même prévu de prendre deux journées et demi de congé.;)...suis pas SI hot! ;-)

    Il est d'ailleurs venu me voir en classe et ça, c'était chouette pour lui de sentir ce que c'est une école au Québec. Il a aussi une meilleure idée de ma réalité quotidienne.

    Je sais que tout peut changer et je ne ferme aucune porte. Mais bon, je triche aussi un peu...j'habite tout de même avec 4 jeunes adultes et un ex...on est loin de la solitude disons...mais bon, ce n'est pas pareil que de partager le train-train avec un amoureux!

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