mardi 12 mai 2015

Il y a eu



Il y a eu.

Tellement et peu.

Il y a eu, tout d'abord, un après-midi au lac des Castors à boire du vin étendus sur une couverture. 

Nous étions sur la lancée des clichés romantiques qui ne renouvèleront certainement pas le genre. Nous voulions un truc relax, montréalais. Regarder les gens qui se promenaient, sentir le retour du soleil de printemps sur la peau, être sur la montagne, boire et manger…

Tout était magnifique, simple, calme. 

Manquait la balade en barque pour se croire à une autre époque.

Soleil couchant sur le lac.

Retour ensuite chez lui où il a un magnifique balcon dans sa chambre avec une vue sur un coin de rue, véritable microcosme de l'humanité où tout se passe sans que rien ne bouge vraiment. Un coin de vie comme il en existe des millions dans le monde. Unique et ordinaire.

Fascinant par sa banalité.
En bonne voyeuse, je pourrais y passer des heures.

(...)

Et se dire qu'on devrait s'en rouler un. 

Le faire.

Retrouver des vieux gestes.

Sourire dans un coin de sa tête.

Se laisser couler dans cet artificiel qui nous amène dans un autre nous.

Ricaner, lui surtout.

Tellement différent de sa placidité habituelle.

Tellement français.

Tellement jeune.

Extraverti sous influence.

Il m'a fait rire, il m'a fait songer à nos différences.

Contempler, moi surtout.

Tellement différent de ce que je peux être.

Se retrouver en moi.

S'observer.

Se couler dans un imaginaire.

Il y a eu la nuit ensuite, des brownies aux framboises et un long matin de nos deux peaux l'une contre l'autre.

Il y a eu, surtout, une savante construction de souvenirs communs et de références futures qui ne feront rire que nous.

Il y a eu des mots que seuls nos yeux savaient lire.

(...)

Et après, il y a eu cet autre soir, non planifié et fait pour le consoler de la perte d'un être cher parti trop vite, brutalement et sans explications. Il y a eu ma proposition de l'entourer pour ne pas qu'il vive seul ce deuil soudain. 
Être loin des siens dans des moments comme ça, c'est déchirant, je le sais. 

Et nous l'avons pleuré ensemble, ce disparu, au sens propre comme au figuré. Avec des anecdotes et des souvenirs, il me l'a rendu vivant, son bel oncle, et j'ai eu de la peine qu'il soit parti si jeune. Ça aurait été mon genre d'homme, c'était étrange d'y penser. Il aurait voulu que je le rencontre…j'aurais été son genre de femme, il trouvait ça étrange d'y penser. Pour le faire sourire, je me suis alors inventée une vie improbable, avec cet oncle, sur cette ile magnifique où il vivait, dans ce futur qu'il avait choisi de ne pas avoir. 

Nous avons ri.

Nous avons levé nos verres vers les étoiles.

Puis on s'est couché sans qu'il ne me déshabille ou qu'il ne me touche. C'était de circonstance, sans doute, mais ça m'a blessé dans la plus profonde de mes failles. Cicatrice fragile, me suis mise à douter, de moi. Cette idée insidieuse de ne pas plaire assez, de ne pas être un objet de désir, cette idée qui me taraude depuis mes dernières ruptures. Je l'ai dit et me suis sentie, tout de suite, mal de le dire. Comme toutes les fois où je verbalise un besoin, une envie. 

Me suis excusée, naturellement.
Et nous avons pleuré ensemble, dans un mélange de larmes au gout de sel.
Et nous avons fait l'amour.

Mais.
Je suis comme une huitre. 
Ouverte et offerte en eaux calmes, qui se referme cependant rapidement quand passe un grain de sable. Protectrice de mon intérieur, je me confine dans une carapace de corail. Ensuite, c'est dur de m'ouvrir à nouveau. 
Très. 
Je reste prudente. 
Trop.

Je venais de sentir le grain.
Je me suis refermée.

(...)

Il y a eu, peu après, cet après-midi de congé et de soleil passé dans une calme cour intérieure, d'une marche vers une terrasse un peu cachée comme un petit trésor, de fraiche sangria, de tapas savoureux, de tartelettes portugaises, de rue St-Laurent de haut en bas, de fin de soirée au parc Lafontaine. 

Montréal à son meilleur. 

Animée, diversifiée, vivante, pétillante…belle. 

J'étais là et un peu distante. Il était là et un peu distant parce qu'il me sentait, il me le dira plus tard, moins épanouie, moins présente. 
J'avais mis ma carapace de fille qui s'en fiche un peu. 
Ma carapace qui me fait survivre.

Nous avons refumé un peu et ça nous a plongés mutuellement dans une intensité silencieuse. 
Nous avons regardé les feuilles des arbres bouger avec le vent. 
Nous avons tâté nos intérieurs bouger avec le temps.

Et il y eu la nuit qui a suivi, étrange. Avec des promesses de plaisirs non tenues, des attentes déçues et où je me suis demandée ce que je faisais dans ce lit, un peu. 

Où j'ai observé un dos qui dormait, ce corps qui gisait. Me suis demandée ce que tout cela m'apportait, si je n'allais pas me blesser dans cette relation hors cadre que je comprenais de moins en moins. Est-ce que j'y trouvais mon compte? Je ne savais plus.

Et cette faille, en moi, ouverte, béante, qui ne se refermait pas. Me suis mise à réfléchir, ce qui n'est jamais très bon signe. 

Tout spinait dans ma tête, essorage de feu. 
J'ai tout revu avec le filtre déformant de mes blessures. 
C'était laid. 
J'ai eu envie de me ramasser les émotions et de fuir.

M'enfuir.

Le soleil du matin nous a surpris dans une sexualité hésitante. 
La sienne. 
Comme un couple qui ne sait pas trop s'il a le temps de baiser avant de partir travailler et qui sait que ce n'est pas grave si c'est moche ou non concluant puisque l'on pourra continuer le soir venu. Mais nous n'étions pas un couple et il n'y avait pas de soir prévu. 
Flou dans sa tête qu'il me disait. 
Je le sentais tellement. 

Et je me sentais mal de ne pas comprendre plus que ça. Je me sentais mal d'être en besoin de son désir vu les circonstances. Me suis excusée mais je ne pouvais pas non plus faire semblant, je ne voulais pas faire semblant. 

Suis fatiguée de faire semblant que tout me va et, là, ça ne m'allait pas.

Je suis fatiguée d'être la fille qui fait du bien. Celle qui sait si bien enrober, celle qui accueille dans ses bras et qui masse inlassablement les blessures de l'autre. Celle que les hommes sont contents de trouver car ils peuvent enfin se reposer en moi, se laisser faire à recevoir.  

Je lui ai dit que je ne pensais pas qu'on allait se revoir. Il semblait secoué, avait envie que je revienne.

C'était comme une tentative de rupture de ma part. 
Une tentative de fin de l'histoire avant qu'elle ne me déchire la confiance.
C'était comme une envie d'arrêter que ça fasse mal, d'arrêter que ma tête pense.
C'était surtout comme deux personnes qui ne savaient pas trop ce qui se passait et quels étaient leurs rôles dans cette pièce improvisée.

Tout aurait été plus clair si ça avait été mon chum. J'étais le réconfort, il avait le droit de ne pas se sentir très sexe, son amour m'empêcherait alors de douter. Mais, il était mon amant et dans cette relation amant/maitresse, les schémas n'étaient plus respectés.

Je suis partie.

1 commentaire:

  1. Merci de continuer à partager tout ça avec moi. J'aime te lire. Je me retrouve aussi un peu, parfois.

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